A Montpellier, le tramway est dans l’impasse. Au propre comme au figuré. La nouvelle ligne ne mènera nulle part… ou presque. Censée desservir le bord de mer et les villes du littoral, le tram s’arrêtera à 800 mètres des plages. A moins que ne s’esquisse une solution de compromis…

Une rame de la ligne 1 face à la gare, photo Philippe-Enrico Attal
On connaît depuis longtemps déjà l’effet tramway sur les échéances électorales locales. Les études sont lancées dès les élections passées, la décision finale adoptée après enquête, les travaux démarrent ensuite pour une inauguration entre 6 et 12 mois avant la nouvelle échéance. Si le calcul est bon, la ligne fonctionne à plein après les inévitables incidents liés à toute nouvelle mise en service. L’équipe en place profite des effets positifs dégagés par la nouvelle infrastructure et tout le monde y trouve son compte. C’est bien sur ce schéma que se construisent toutes les nouvelles lignes de tram en France aujourd’hui.
Elections municipales obligent, on a assisté en 2006 et 2007 à toute une série d’inaugurations de Paris à Mulhouse en passant par Le Mans, Marseille ou Nice pour ne citer que ces quelques villes. A Montpellier aussi on a inauguré en 2006 et c’est une très longue ligne 2 qui traverse la communauté d’agglomération de Saint-Jean-de-Védas à Jacou. Les élections passées, on va désormais se consacrer à la ligne 3, celle qui doit relier Montpellier et l’agglomération à la mer. A la mer ? Pas tout à fait, puisque la ligne doit s’arrêter 800 mètres avant le sable fin alors que certains espéraient encore la voir arriver jusqu’au coeur de Palavas.
Les liens qui unissent Montpellier et la cité balnéaire sont pourtant quasi « naturels ». De tous temps les habitants de la Préfecture de l’Hérault sont venus passer les dimanches ensoleillés et les lundis de Pentecôte sur le sable de Palavas, devenue de fait « la plage de Montpellier ». Aussi, lors de la construction du réseau de tramway, il est apparu évident que le rail arriverait un jour jusqu’au bord de la Méditerranée. Le tout étant d’être un peu patient, d’attendre d’abord la construction de la première, puis de la deuxième ligne considérées alors comme prioritaires. Depuis 2006, c’est chose faite, et on est entré dans la phase quasi finale de l’élaboration de la troisième ligne, celle qui doit arriver jusqu’à la mer. Certains pensaient un peu hâtivement que ce nouveau tramway emprunterait la plate forme restée intacte du petit train de Palavas, qui durant des décennies reliait entre elles les deux cités. Le tracé en quasi ligne droite pouvait assurer une desserte rapide et efficace à moindre coût tout en donnant satisfaction aux nostalgiques du tortillard d’antan.
Au départ de la place de la Comédie il existait en effet jusqu’en 1968 une petite ligne des Chemins de Fer de l’Hérault, le réseau départemental, qui faisait la navette entre les deux villes. Peu à peu les habitants s’étaient approprié ce petit train jusqu’au dessinateur Dubout qui en fit une description des plus pittoresques. Les anciens qui l’ont connu enfants sur les genoux de la grand-mère en parlent encore avec nostalgie. Sacrifié au nom du progrès automobile, le train a désormais son musée à Palavas, à quelques encablures de la redoute de Ballestras, ancien fortin devenu le temple de l’oeuvre de Dubout.

Une rame de la ligne 2 à la station Jacou, photo Philippe-Enrico Attal
L’autobus qui lui a succédé fut loin de connaître le même succès, et s’il reste dans les mémoires, c’est surtout pour sa lenteur et son inconfort, son côté « bétaillère » les jours de grande affluence. Pour faire face, l’exploitant dû même retirer une grande partie des sièges, conduisant à une ruée vers les places assises aux terminus. Une situation catastrophique jusqu’à l’entrée de Palavas dans l’agglomération de Montpellier et la création de la ligne 17 intégrée au réseau urbain.
On en serait encore là sans la querelle qui devait opposer le président de l’agglo et ancien maire socialiste de Montpellier, le médiatique Georges Frêche au premier magistrat UMP de Palavas, Christian Jeanjean. Estimant sa ville brimée au sein d’une agglomération où elle ne trouvait pas son compte, le maire de Palavas pris la décision de quitter l’instance pour rejoindre la Communauté de l’Etang de l’Or où sa voix se faisait mieux entendre et dont font déjà partie Maugio-Carnon et La Grande Motte.
La sortie de la ville de Palavas de l’agglo de Montpellier eut pour résultat immédiat la disparition de la ligne 17, en attendant la création d’une ligne de remplacement des transports départementaux, Hérault Transports. Dans la foulée, l’agglo est venue récupérer sur le territoire de Palavas ce qu’elle considérait sa propriété, à savoir arrêts d’autobus et abribus. Le Conseil Général arguant qu’il était nécessaire de procéder à un appel d’offre, le nouveau service départemental de cars ne pouvait entrer en service avant 6 mois. Si les habitants de Montpellier pouvaient éventuellement se passer de se rendre à Palavas, ceux de la cité balnéaire dont un bon nombre travaille à Montpellier se sont retrouvés du jour au lendemain sans moyen de transport. Christian Jeanjean dans un climat de guerre ouverte avec la capitale régionale a donc en catastrophe mis en place un service de cars financé par sa municipalité. Des véhicules verbalisés à l’arrivée à Montpellier par des policiers zélés pour stationnement illicite sur le domaine public municipal.

La place de la Comédie d'où partait jusqu'en 1968 le train de Palavas, photo Philippe-Enrico Attal
Le dernier chapitre de cette guerre concerne le tramway. La future ligne 3 qui devait à l’origine desservir Carnon et Palavas s’arrête désormais sur le papier à Pérol, aux limites de l’agglomération. Resteront alors 800 mètres à parcourir pour arriver jusqu’à la mer. Un arrêt forcé, (comment financer un moyen de transport desservant des communes en dehors de son champ d’investigation ?) qui reste en travers des administrés des deux bords: Quel est l’intérêt de la construction d’une ligne qui s’arrête au milieu de pas grand chose ? L’idée, et tout le monde l’a compris était d’attendre patiemment que le climat politique se soit apaisé pour terminer la ligne jusqu’à Palavas. En clair, espérer que les élections municipales de 2008 changent la donne politique. Jacques Domergue, candidat UMP à la mairie de Montpellier s’est clairement exprimé là dessus: Avec lui à la tête de la ville, le tram irait jusqu’à Palavas. Du côté socialiste, les espoirs étaient différents. Une défaite de Christian Jeanjean à Palavas pouvait débloquer la situation.
Est-ce aussi simple que ça ? La DUP de la ligne 3 et son tracé définitif a été adopté en 2007. Dès lors, une nouvelle procédure pour aller jusqu’à la mer est-elle encore possible ? Mais surtout qui en a vraiment envie ?
Quoi qu’il en soit les espoirs de certains pronostiqueurs sur l’échéance électorale de mars 2008 ont été déçus. Les électeurs ne se sont pas prononcés sur ce dossier ou du moins pas de façon significative pour modifier le rapport des forces en présence. Alors, les deux villes sont-elles condamnées éternellement à se tourner le dos ? Pourquoi dès lors construire malgré tout une ligne dont l’intérêt dans sa branche finale reste très limité ? Du côté de la TAM, l’exploitant montpelliérain on parle de la pertinence de la ligne dans le cadre du développement futur de l’agglomération. La cohérence du réseau, les correspondances avec les autres lignes de tram sont mises en avant.
Tout semble en réalité en place pour un prolongement final qui interviendrait une fois les esprits apaisés. Et si la donne politique semble figée pour longtemps des solutions de compromis devront être trouvées de part et d’autre. Mais on en est encore loin. Du côté de l’agglomération la position reste inchangée alors qu’on souhaite à Palavas la création d’un train (et non plus d’un tram) entre les deux villes. Peut-être s’agit-il de la renaissance du train de Palavas dont la plate forme a été conservée et qui de son temps dépendait du département de l’Hérault. Les Chemin de fer de l’Hérault d’ailleurs existent toujours même s’ils délèguent l’exploitation de leur seule ligne des environs de Béziers à la RDT 13, Régie des Transports des Bouches du Rhône. Des solutions nouvelles devront donc être trouvées dans ce dossier et l’avenir promet d’être passionnant.
Philippe-Enrico ATTAL
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